Dès la première seconde, la vie est relation. Dès la formation de sa première cellule, la vie de l'être humain n'est possible qu'en relation.
Et si la relation est un jeu, la vie est jeu, dès le départ.
Inventer et vivre le personnage du clown permet de retrouver le plaisir de jouer ; jouer, c'est à dire créer sans attente de résultat.
Cette non attente est fondamentale dans le processus thérapeutique. C'est dans la liberté de la non attente que le personnage du clown va retrouver
le plaisir d'être et d'être avec ; car le clown ne fait que cela, jouer avec l'autre quel qu'il soit, partenaire, public, autorité, complice.
Jouer pour le clown passera par l'initiation à son principe le plus intime, redouté, convoité : le plaisir même d'exister, le plaisir du jeu,
du je, mais surtout, jouer donne le droit d'être là.
C'est ici que ma collaboration avec Ariane Mnouchkine, metteure en scène du Théâtre du Soleil, m'a été précieuse. C'est en effet, deux des principes
fondamentaux sur lesquels Ariane fonde sa direction d'acteur, qui animent ma démarche thérapeutique :
1) Le principe de présence : à soi, à l'autre (partenaire, interlocuteur), au public
2) Le principe de responsabilité. Ariane rend l'acteur auteur et créateur à part entière de l'oeuvre collective, comme je propose à l'enfant d'être créateur
de son personnage, des dialogues et de leur mise en acte.
Pourquoi le clown ?
Parce qu'il est accessible par un simple nez rouge.
Le nez transforme le visage, la voix et donc le rapport au monde. Il protège, parce qu'il masque, mais il révèle aussi : c'est là tout le paradoxe de l'acteur
il est libre et contraint, il est lui et un autre.
Pourquoi thérapeutique ?
Parce que l'espace de création n'est pas un espace théâtral : nous n'y sommes pas pour construire un spectacle et rencontrer un public. C'est un espace de
création qui a pour unique but de permettre à l'enfant de faire une expérience relationnelle d'une certaine qualité.
Description du processus thérapeutique :
1ère étape :
L'enfant met le nez puis fait un exercice de relaxation dirigée. Pendant l'exercice, je lui propose d'imaginer un prénom, un pays d'origine et un métier
pour son personnage de clown.
2ème étape :
J'instaure un dialogue avec l'enfant clown, en lui posant 3 questions :
Comment t'appelles-tu ? D'où viens-tu ? Quel est ton métier ? Avec pour seule consigne d'attendre 3 secondes avant de répondre : c'est précisément dans cet
espace temps que le clown peut naître. Ces 3 secondes imposées, avant de parler, changent sensiblement le rapport au temps et à l'autre ; le dialogue est
ponctué de silences, ces silences (de convention) permettent l'émergence et l'expression d'émotions. L'émergence est thérapeutique.
3ème étape :
Je propose à l'enfant d'imaginer des actes, de jouer moi-même (ou non) dans sa mise en scène, qui peut comporter un dialogue, un conflit ou simplement une
narration.
Conclusions :
L'espace de création que je propose est avant tout un espace de liberté où l'enfant, grâce à son clown, a le droit de tout dire, de tout ressentir, le
droit de tout imaginer. Ces droits lui donnent aussi la responsabilité, s'il l'accepte, de créer son monde et d'avoir une place dans ce monde.
Avoir une place guérit.