Extrait d'un cd réalisé pour animer des ateliers d'écriture en prisons françaises.
"La souffrance enfante les songes" du poète Louis Aragon.
La souffrance enfante les songes, comme une ruche ses abeilles. L'homme crie où son fer le ronge et sa plaie engendre un soleil plus beau que les anciens mensonges. On veille, on pense à tout, à rien. On écrit des vers, de la prose. On doit trafiquer quelque chose, en attendant le jour qui vient. Vous voudriez au ciel bleu croire, je le connais ce sentiment, j'y crois aussi moi par moment, comme l'alouette au miroir. J'y crois parfois, je vous l'avoue, à n'en pas croire mes oreilles.. ah je suis bien votre pareil, je suis bien pareil à vous. A vous comme les grains de sable, comme le sang toujours versé, comme les doigts toujours blessés.. ah, je suis bien votre semblable. J'aurais tant voulu vous aider. Vous qui me semblez autres moi-même. Mais les mots qu'au vent noir je sème, qui sait si vous les entendez? Tout se perd et rien ne vous touche, ni mes paroles, ni mes mains et vous passez votre chemin, sans savoir ce qui dit ma bouche. Votre enfer est pourtant le mien. Nous vivons sous le même règne et lorsque vous saignez, je saigne et je meurs dans vos mêmes liens. Quelle heure est-il, quel temps fait-il, j'aurais tant aimé cependant gagner pour vous, pour moi .. perdant .. avoir été peut-être utile. C'est un rêve modeste et fou. Il aurait mieux valu le taire, vous me mettrez avec en terre, comme une étoile au fond d'un trou. La souffrance enfante les songes, comme une ruche ses abeilles. L'homme crie où son fer le ronge et sa plaie engendre un soleil plus beau que les anciens mensonges.